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Moscou détient la clé de la paix entre Israël et la Syrie

Le rôle de la Russie est aujourd’hui plus important que celui des États-Unis pour éviter la guerre entre Israël et la Syrie.

Israël a abattu cette semaine un avion de chasse syrien pour la première fois depuis 2014. Cela ne signifie pas nécessairement que les deux pays sont sur le point d’entrer en guerre. Les Israéliens ne sont pas intéressés par un conflit le long de la frontière syrienne – eux qui sont très occupées par les tensions le long de la bande de Gaza. Pour sa part, le président syrien Bachar al-Assad n’a pas encore vaincu les rebelles qu’il combat depuis sept ans. Il sait très bien que ses forces ne sont pas à la hauteur de celles d’Israël, que le « U.S. News & World Report » a classé huitième défense la plus puissante au monde, juste derrière la France et le Japon.

L’avion syrien qu’Israël a abattu – un Sukhoi Su-22 ou Su-24, selon l’armée israélienne – était une variante d’exportation du Su-17 des années 1970 qui n’était à la hauteur des missiles Patriot d’Israël. Et c’est arrivé un jour après que le pays a déployé pour la première fois son système de défense antimissile la « Fronde de David » (David’s Sling) pour faire face aux roquettes en provenance de Syrie (Les missiles devaient s’autodétruire si les roquettes syriennes atterrissaient sur le sol syrien). Les Israéliens ont peut-être envoyé à Assad le message qu’il ferait mieux de revenir à l’accord de désengagement de 1974 que le secrétaire d’État américain de l’époque, Henry Kissinger, avait négocié entre Israël et le père d’Assad, Hafez al-Assad. Hafez al-Assad n’a jamais rompu cet accord, et pendant des années, son fils non plus. Malgré une rhétorique sévère émanant constamment de Damas, la frontière est restée silencieuse.

Israël est moins préoccupé par Assad que par les Iraniens, qui, avec les Russes et le Hezbollah, ont été les artisans de la nette victoire du dirigeant syrien sur les rebelles. Israël s’est tourné vers Moscou pour chasser les Iraniens de Syrie. Entre-temps, Israël a coordonné ses opérations avec les Russes. Avant d’abattre l’avion qui a décollé de la base aérienne militaire syrienne de Tiyas en direction de l’espace aérien israélien, le gouvernement du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a d’abord vérifié auprès de Moscou qu’il s’agissait bien d’un avion syrien et non russe.

Netanyahu, qui est devenu un visiteur habitué de Moscou, a pressé le président russe Vladimir Poutine d’expulser les Iraniens de Syrie. En réponse, Sergei Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères, a proposé d’empêcher les Iraniens de s’approcher à moins de 60 miles de la frontière syro-israélienne, mais Netanyahu a rejeté l’offre jugée insuffisante. Il ne fait aucun doute que Jérusalem et Moscou parviendront à trouver un terrain d’entente ; la question de savoir si l’Iran est prêt à coopérer est une toute autre affaire.

Il convient de noter que les États-Unis n’ont pas participé aux efforts israéliens pour chasser les Iraniens de Syrie. Jérusalem, comme le reste de la région, reconnaît qu’au moins pour l’instant, Moscou est le médiateur du Moyen-Orient. D’autre part, l’emploi par Israël de la « Fronde de David » a souligné l’importance de ses relations continues avec les États-Unis, ce système ayant été élaboré avec des fonds américains. Il n’aurait peut-être pas vu le jour sans ce soutien.

Tant qu’Israël restera dépendant des fonds américains pour sa défense – et ce n’est que la première année d’un accord décennal d’une aide d’un montant total de 38 milliards de dollars établi au cours des derniers mois de l’administration Obama -, Washington aura toujours une influence considérable sur la politique d’Israël. Mais la détermination de l’administration Trump à quitter la Syrie, et peut-être l’Irak et d’autres pays de la région, a forcé les Israéliens, comme leurs voisins arabes, à accorder beaucoup plus de poids aux préoccupations russes que jamais auparavant.

La leçon à tirer de cet avion abattu n’est donc pas qu’une guerre entre Israël et la Syrie soit imminente, mais bel et bien que la Russie, et non les États-Unis, détient la clé de la paix le long de la frontière du plateau du Golan. Seule la Russie peut faire pression sur Assad pour qu’il respecte l’accord de 1974. Seule la Russie a une chance d’amener Téhéran à accepter de retirer ses forces suffisamment loin des hauteurs du Golan pour apaiser Jérusalem.

Les États-Unis demeurent le principal fournisseur d’armes d’Israël, mais ils ne peuvent plus ressusciter le degré d’influence qui avait permis à Kissinger de négocier un accord frontalier qui a duré près de quatre décennies.

Correction, 26 juillet 2018 : Israël a déployé deux missiles Patriot pour abattre l’avion de combat syrien. Une version antérieure de cet article affirmait à tort qu’Israël avait abattu l’avion à l’aide de son système de défense antimissile « la Fronde de David » (David’s Sling).

Cet article a été traduit et édité par Syria Intelligence (Foreign Policy, par Dov Zakheim, le 25 juillet 2018)

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