Les efforts déployés par les États arabes pour renouer le dialogue avec le président syrien Bachar al-Assad ont été suspendus après les pressions des États-Unis visant à les dissuader de rétablir les liens avec le gouvernement syrien.
La décision prise à la fin de l’année dernière par les Émirats arabes unis de rouvrir leur ambassade à Damas et les déclarations faites à Assad par d’autres États arabes ont fait naître dans les esprits le sentiment que le retour de la Syrie dans le giron arabe était pour bientôt.
Mais l’administration Trump a fait pression sur ses alliés pour qu’ils se rétractent, avertissant que toute tentative de participer à la reconstruction de la Syrie déclencherait des sanctions américaines destinées à pousser Assad à accepter des réformes politiques, ont déclaré des responsables américains.
De nombreux États arabes, quant à eux, ne sont pas certains de vouloir réhabiliter un dirigeant qui reste lié à l’Iran par une alliance profonde, selon des diplomates dans la région. L’Iran a gagné en influence en Syrie en aidant Assad à gagner la guerre.
La position des États-Unis sur le rôle de l’Iran est « que l’isolement politique et les pressions politiques sont la bonne approche », a déclaré un haut responsable américain, qui a parlé sous couvert d’anonymat pour informer les médias. Les objectifs souhaités sont « que toutes les forces commandées par l’Iran » quittent la Syrie, a-t-il dit.
La Russie pousse dans la direction opposée et exhorte les gouvernements arabes à établir des liens avec Damas. Moscou tente de persuader les gouvernements arabes de renouer le dialogue avec Assad pour réduire l’influence de l’Iran, selon certains diplomates.
La question de savoir comment résoudre les problèmes posés par la survie d’Assad après huit années de guerre est cruciale pour la Syrie et ses voisins arabes. Beaucoup de ces pays ont soutenu la rébellion et sont maintenant confrontés à la réalité qu’il est susceptible de rester au pouvoir.
La Syrie espère que les États arabes financeront au moins une partie du vaste coût de la reconstruction du pays après la guerre, estimé à environ 400 milliards de dollars. Les partisans du gouvernement syrien se vantent que les pays arabes font la queue pour participer à l’effort de reconstruction, mettant Assad en position de choisir les offres à accepter, « comme un concours de beauté », a déclaré Salem Zahran, un consultant politique étroitement lié à Damas.
Les gouvernements arabes ont regardé avec consternation leurs rivaux non arabes, la Turquie et l’Iran, gagner de l’influence en Syrie en leur absence, les laissant sans influence dans un pays qui est au cœur du monde arabe. La Syrie a été exclue de la Ligue arabe au cours de la première année de la révolte, et l’avenir du pays est maintenant décidé par le processus de paix mené par la Russie qui inclut la Turquie et l’Iran.
« Il n’y a aucune influence arabe à Damas. Zéro », a déclaré le ministre d’État aux affaires étrangères des Émirats arabes unis, Anwar Gargash, dans une interview, expliquant la décision de son pays de rétablir les relations diplomatiques. « Parce que nous avons brûlé tous nos ponts en 2011, cela a permis à des acteurs régionaux comme la Turquie et l’Iran de devenir les principaux protagonistes. Depuis, les Arabes n’ont plus leur mot à dire. »
La question devrait être soulevée lors du sommet de la Ligue arabe en Tunisie ce mois-ci, plusieurs gouvernements arabes, dont ceux de la Tunisie et de l’Irak, exprimant leur soutien à une initiative visant à réadmettre la Syrie dans la ligue.
Mais les responsables arabes affirment qu’il n’y a pas d’accord pour une telle démarche. « Pour que la Syrie revienne, il faut qu’il y ait un consensus », a déclaré le Secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, aux journalistes à Beyrouth le mois dernier. « Je ne vois pas encore les résultats qui mènent au consensus dont nous parlons. »
L’Arabie Saoudite et l’Égypte, deux puissances régionales, s’opposent aux tentatives visant à relancer l’adhésion de la Syrie. « Il est clair que l’Egypte et l’Arabie Saoudite maintiennent le cap, et tant qu’ils resteront fermes, les actions des autres pays arabes du Golfe ne seront pas décisives pour restaurer le rôle d’Assad », a déclaré un diplomate occidental, parlant sous couvert d’anonymat.
Les Émirats arabes unis adoptent également la thèse selon laquelle ils ne participeront pas à l’effort de reconstruction tant qu’il n’y aura pas une solution politique, a dit M. Gargash. « Nous croyons toujours que l’investissement en faveur de la reconstruction doit être lié au progrès politique », a-t-il déclaré.
La visite du président Assad à Téhéran la semaine dernière, sa première depuis le début de la guerre syrienne, risque de discréditer l’argument selon lequel le dirigeant syrien peut être détourné de l’Iran et décourager davantage les tentatives arabes de normalisation, selon Hassan Hassan du Tahrir Institute à Washington. « Il y avait déjà des réticences, la réconciliation avec Assad ayant été ralentie par les États-Unis. La visite d’Assad à Téhéran mettra un frein »
Le gouvernement des Émirats arabes unis pense cependant qu’il est plus important de s’engager que de prendre du recul, a dit M. Gargash.
« Nous ne sommes pas naïfs de penser que, dans la première semaine ou le premier mois ou la première année où nous ouvrirons notre ambassade, il y aura une alternative à l’Iran. Mais nous pensons qu’il est nécessaire que Damas dispose de quelques ponts arabes sur lesquels elle puisse s’appuyer », a-t-il dit. « Nous ne pensons pas que les Émirats arabes unis feront une différence, mais nous pensons que cela fera partie intégrante d’une décision arabe plus collective sur la Syrie, et nous sommes sûrs que cela se fera. »
La version originale de cet article a été publiée le 03 mars sur The Washington Post en anglais « Assad wants to be back in the Arab fold. The U.S. stands in the way. ».