Le président Bachar al-Assad a donné mercredi une interview au journal koweïtien al-shahed, une première avec un journal du Golfe depuis le début de la guerre en 2011. Il a déclaré que la Syrie était parvenue à des « accords majeurs » avec les Etats arabes après des années d’hostilité au gouvernement dans le conflit en Syrie.
Le président Assad a indiqué que des délégations arabes et occidentales – sans les nommer – avaient commencé à se rendre en Syrie pour préparer la réouverture de missions diplomatiques. Il a en outre déclaré que la Syrie récupérerait son « rôle central » dans le monde arabe. L’adhésion de la Syrie à la Ligue arabe – qui compte 22 membres – avait été suspendue au début de la guerre et les pays arabes avaient ensuite imposé des sanctions économiques parce qu’ils n’avaient pas réussi à mettre un terme à la guerre.
Cet entretien fait suite à une rencontre entre le ministre des affaires étrangères syrien Walid al-Mouallem et son homologue bahreïni Khalid ben Ahmed al-Khalifah qui se sont salués chaleureusement pour la première fois depuis 2011 en marge de la 73ème session de l’Assemblée Générale de l’ONU à New York.
Ci-dessous en intégralité la traduction de l’interview du Président Assad avec le cheick Sabah al-Mohammad, membre de la famille royale koweïtienne, pour le journal al-Shahed :
J’ai été honoré de rencontrer le président syrien Bachar Al-Assad dans sa maison à Damas. C’est le premier entretien auquel il consent avec un organe de presse arabe depuis les huit ans de guerre imposée à la Syrie. Notre entretien a duré une heure et demie. C’est la rencontre humaine la plus plaisante que j’ai effectuée avec un dirigeant arabe. Le président syrien m’a accueilli à l’entrée de sa demeure, me souhaitant la bienvenue avec sourire, sûr de lui et à l’élégante allure.
Nous sommes entrés dans un salon blanc, au mur et au sol de marbre blanc, avec des sièges tout blanc. La fenêtre était décorée d’un bois damascène gravé donnant vue sur un jardin. Un endroit reposant pour une rencontre tout en intimité.
J’ai dit au président : je vous félicite pour la solidité de votre détermination, la constance de votre position, et votre courage consacré à la défense de votre terre et votre peuple, pour votre réussite à subvenir aux besoins en biens de consommation aux quatre coins de la République arabe syrienne, pour vos victoires, le succès de la diplomatie et de l’armée syriennes, de la position honorable du peuple syrien vis-à-vis de l’Etat, des dirigeants et des institutions étatiques. Il sourît, avant d’affirmer : je vous remercie pour votre rôle en tant qu’organe de presse. Vous avez donné votre avis avec franchise et clarté, alors que personne n’osait faire entendre la voix de la raison.
Le président syrien ajoute : les médias arabes ont malheureusement dévié derrière les institutions américano-sionistes, qui veillent tout particulièrement à salir la réputation des Etats du Moyen-Orient, et plus encore la Syrie. Leur guerre médiatique a été très féroce, de par leurs mensonges et leurs calomnies. Les gens se sont perdus entre la vérité et le mensonge, mais le peuple syrien est conscient, et les avait dans son collimateur, par le biais des réseaux sociaux notamment.
Des Etats occidentaux ont commencé à planifier la réouverture de leurs ambassades. Des délégations occidentales et arabes ont effectivement commencé à venir en Syrie pour organiser leur retour, aussi bien sur le plan diplomatique qu’économique ou industriel.
Le président syrien poursuit : le rôle de l’Etat du Koweït a été honorable, médiatiquement parlant. Cela n’aurait pas été le cas si vous n’étiez cet Etat qui a l’expérience de la démocratie, de la liberté et où les différents avis et points de vue ont droit de cité. La position du Koweït a été honorable à l’occasion des sommets des donateurs en soutien au peuple syrien, sommets encouragés par son Eminence Sabah Al-Ahmad, cet homme plein de sagesse, et de raison. Cela ne lui est pas étranger. Il s’agit d’un grand homme, grand par l’âge et la stature, qui a côtoyé toutes les affaires du Moyen-Orient qui avait conscience du péril qu’encourraient les Etats arabes. Nous avons récupéré, grâce à Dieu, la plupart des villes syriennes qui étaient tombées entre les mains des terroristes criminels. Nous avons protégé les citoyens du terrorisme exercé à leur encontre, et nous avons entamé la reconstruction des régions. Et si Dieu nous le permet, l’Etat syrien va étendre son pouvoir et sa loi sur l’ensemble du territoire de la Syrie. Nous ne laisserons pas un seul pouce de la Syrie arabe en dehors de la souveraineté nationale. Je tiens à vous informer M. Sabah qu’il y a une grande entente entre nous et bon nombre d’Etats arabes. Des Etats occidentaux ont commencé à planifier la réouverture de leurs ambassades. Des délégations occidentales et arabes ont effectivement commencé à venir en Syrie pour organiser leur retour, aussi bien sur le plan diplomatique qu’économique ou industriel.
La Syrie va revenir à son rôle central sur la scène arabe.
Le Président syrien a assuré avec détermination et confiance : très prochainement cette guerre terroriste sera mise à nu, et le jeu politique va changer. La Syrie va revenir à son rôle central sur la scène arabe, son rôle de soutien aux affaires de la Nation arabe, comme avant. Ceux qui sont partis vont revenir dans leurs villes et villages.
Le Président syrien a considéré que le rôle de la Russie dans la région était désormais une réalité, en coopération avec la Chine, l’Inde et les pays amis. L’équilibre des forces va changer prochainement, et en mieux, particulièrement au Moyen-Orient.
Dans un avenir proche, nous allons commencer à construire des usines et soutenir l’excellente industrie syrienne, unique dans la région. Notre intérêt se portera particulièrement sur l’agriculture. Nous avons en effet les meilleurs fruits et légumes de la région. Nous veillerons à en favoriser l’exportation à l’international. Nous allons ouvrir des fenêtres sur le tourisme, l’art et la culture, comme l’était la Syrie d’avant.
Le président syrien m’a demandé mon avis concernant Damas. Je lui ai répondu : la chaleur de l’accueil que j’ai trouvé ici chez vous est la même que celle que j’ai trouvée lors de mon entrée en Syrie, de la part de tous les responsables, à tous les niveaux, et j’ai ressenti la même chose de la part des gens, dans les cafés, dans les rues, les marchés. Le sourire et l’accueil chaleureux, voilà ce que j’ai trouvé chez ceux que j’ai rencontrés. Le peuple syrien y est habitué, car il est profondément généreux.
J’ai été impressionné par la propreté des rues, mais aussi des camions qui nettoient la voirie de nuit. Les immeubles, les rues et les marchés sont pleins d’histoire, à l’image de la Syrie que nous avons toujours connue. Tous les hôtels internationaux sont présents, et j’ai remarqué un grand nombre de grues dans diverses régions, où s’érigent de nouveaux immeubles. C’est le signe que la dynamique de reconstruction est vraiment enclenchée.
Mais j’ai également apprécié, lors de mes déambulations dans les marchés, le sentiment de sécurité que connaissent les Syriens. C’est ce que j’ai ressenti tout au long des cinq jours que j’ai passés en Syrie. Dans les rues du Vieux Damas, j’étais soucieux de déjeuner et diner dans tous les restaurants qui y fourmillent, aux goûts exquis que l’on ne trouve qu’à Damas. Quoi de meilleur que la cuisine damascène. Les pâtisseries de Syrie, au gout inimitable, nous avaient bien manqué.
Quant au vert des rues et des régions, le jasmin et son parfum qui inspire la sérénité, nous ramenant à notre enfance, nous rappelant les senteurs du Levant. C’est un message de paix et d’amour.
Le président syrien me répondit : j’espère que vous me rendrez visite chaque fois que vous viendrez en Syrie, en ami.
J’ai apprécié cette discussion, sa franchise, sa clarté et sa transparence.
Le président syrien Bachar Al-Assad m’a dit au revoir à la porte de son domicile avec la même chaleur que son accueil.