L’Égypte a renvoyé un pétrolier iranien en route pour la Syrie à la suite d’un avertissement du Trésor américain.
L’Iran n’a pas été en mesure de livrer du pétrole à la Syrie depuis le 2 janvier, selon le fournisseur de données maritimes TankerTrackers.com. L’Iran avait envoyé environ 66 000 barils par jour sur le dernier trimestre de l’année 2018. L’approvisionnement de l’Iran a chuté et les entrepôts de stockage sont pratiquement vides dans la ville portuaire de Baniyas, où se trouve la plus grande raffinerie de pétrole de Syrie, a déclaré Samir Madani, co-fondateur de TankerTrackers.com.
De nombreuses séries de sanctions américaines à l’encontre de l’Iran, de la Syrie et de leurs alliés ont asséché le flux de brut iranien vers la Syrie, rendant le gouvernement syrien dépendant du gaz en bouteille en provenance de Russie – un approvisionnement qui subit également la pression des sanctions – et de la production pétrolière des rebelles kurdes soutenus par les États-Unis, pour satisfaire ses besoins énergétiques. Les Syriens des zones sous le contrôle de Damas en ressentent déjà les effets, avec des pénuries de carburant et une flambée des prix de l’énergie.
La pression exercée par le département du Trésor américain sur l’Égypte pour bloquer un pétrolier à destination de la Syrie à la fin novembre, a un double objectif pour l’administration Trump : couper la bouée de sauvetage pétrolière pour le gouvernement syrien et priver l’Iran d’un point d’appui essentiel dans la région.
Les exportations de brut iranien vers la Syrie ont aidé à maintenir le président Assad durant les huit années de conflit, la production pétrolière syrienne ayant chuté de 353 000 barils par jour en 2011 à 25 000 barils par jour en 2017, selon les chiffres de BP.
Syrie, production de pétrôle, k p/j, BP Statistical Review of World Energy 2018
Washington cherche à étouffer l’influence de la République islamique d’Iran sur la Syrie et d’autres alliés depuis son retrait de l’accord nucléaire qui avait levé la plupart des sanctions contre Téhéran. Elle a également tenté d’isoler Damas pour violation des droits de l’homme et a imposé des sanctions au Hezbollah.
Les sanctions américaines contre l’Iran visent en grande partie à étouffer ses revenus pétroliers. Mais en Syrie, l’intention est de réduire l’influence de Téhéran sur Damas. L’Iran livre du pétrole brut à la Syrie dans le cadre d’une ligne de crédit qui ne sera probablement pas remboursée. Les États-Unis espèrent affaiblir l’influence de Téhéran sur le gouvernement syrien en bloquant l’accès de la Syrie au pétrole iranien.
Pour faire appliquer les sanctions, l’administration Trump a fait appel à des alliés régionaux pour surveiller les pétroliers qui naviguent dans la péninsule arabique et traversent le canal de Suez en direction des ports syriens sur la Méditerranée. En fin d’année dernière, le Trésor américain a publié une liste de 30 navires qui ont fourni du pétrole iranien et du gaz en bouteille russe au gouvernement syrien, avertissant ceux qui traitent avec les pétroliers qu’ils risquent de faire l’objet de sanctions. Des navires transportant du gaz russe en bouteille vers la Syrie ont également été impliqués dans des accidents, car les craintes de sanctions les obligent à opérer clandestinement. Les livraisons de gaz en bouteille russe ont diminué mais ne se sont pas arrêtées.
Les autorités égyptiennes ont bloqué le passage d’au moins un pétrolier figurant sur la liste noire alors qu’il tentait d’entrer sur le canal de Suez, selon un responsable du canal et un homme d’affaires syrien au courant de l’incident.
Le navire, appelé Sea Shark, est amarré en Égypte depuis que les autorités l’ont détourné du canal le 29 novembre, selon le site allemand FleetMon. Pendant des années, le navire a régulièrement livré environ 900 000 barils de pétrole brut tous les deux ou trois mois depuis le terminal pétrolier iranien de Kharg jusqu’à la raffinerie syrienne de Baniyas, indique TankerTrackers.com. Les propriétaires du Sea Shark basés aux Emirats Arabes Unis n’ont pas pu être contactés pour faire part de leurs commentaires.
L’entrave au commerce du pétrole iranien a réduit le nombre de navires à la disposition du pays. Bon nombre des navires qu’elle utilise pour le transport du pétrole brut sont en mauvais état. Un pétrolier appelé Tour 2, par exemple, transportait du pétrole iranien vers la Syrie depuis au moins 2013, échappant ainsi à une précédente série de sanctions américaines, selon les données de FleetMon et la base de données Equasis de l’Union européenne.
Le navire a été immobilisé à Chypre pendant 28 jours en octobre pour avoir enfreint 17 règlements de sécurité, y compris des communications radio défectueuses utilisées pour la navigation, selon les registres d’Equasis.
Après avoir effectué une livraison de pétrole iranien le 1er janvier, le navires s’est échoué sur les côtes syriennes courant du mois de janvier, selon TankerTrackers.com et la société de gestion de la sécurité des pétroliers, Registro Italiano Navale. Le navire ne semble pas avoir bougé depuis.
Une société indienne inscrite dans la base de données d’Equasis comme contrôlant le navire n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations.
Cet article a été traduit et édité par Syria Intelligence (WSJ, « U.S. Sanctions Hit Iran’s Oil Lifeline to Syria », par Benoît Faucon, Summer Said et Jared Malsin, le 22 mars 2019)