Le Liban a été informé officiellement par les autorités syriennes de l’ouverture du point de passage de Nassib aux exportations libanaises. La décision n’est pas seulement une délivrance pour les exportateurs libanais : elle a également dissipé leurs inquiétudes concernant une éventuelle classification politique effectuée par les autorités syriennes dans l’utilisation de leur territoire, comme elles l’ont fait pour les sociétés autorisées à prendre part à la reconstruction de la Syrie.
L’accord syro-jordanien qui a permis la réouverture du poste-frontière de Nassib a mis fin à une crise libanaise qui dure depuis plus de trois ans. Avec la fermeture du point de passage en avril 2015, les exportateurs libanais avaient été contraints de délaisser le transport terrestre des marchandises et s’étaient orientés vers une solution plus contraignante pour eux, le transport maritime. Les marchandises exportées étaient en effet bien plus coûteuses et mettaient plus de temps pour atteindre leur destination vers les pays du Golfe que le transport routier.
Le point de passage de Nassib revêt une importance capitale pour les exportateurs libanais car il permet de faire transiter plus de 550 000 tonnes de produits agricoles libanais, d’une valeur de 300 millions de dollars, et des produits industriels d’une valeur de plus de 500 millions de dollars. Le montant total que le Liban peut transiter par le territoire syrien jusqu’au poste-frontière de Nassib peut atteindre environ 800 millions de dollars, soit 30% du total des exportations libanaises. L’exportation via ce point de passage nécessite entre cinq et sept jours pour que les marchandises arrivent à destination vers les marchés du Golfe alors que l’arrivée des marchandises en provenance du Liban par voie maritime nécessite un minimum de 10 jours et pouvant parfois dépasser 30 jours.
Le Liban a officiellement été informé par les autorités syriennes – par l’intermédiaire du directeur général de la Sécurité générale, le général Abbas Ibrahim – de l’ouverture du point de passage aux exportations libanaises. L’inquiétude qui régnait parmi les exportateurs libanais concernait la possibilité pour les autorités syriennes de recourir à une classification politique qui permettrait à certains de traverser le territoire syrien pour arriver à Nassib, et interdirait ce « privilège » à d’autres. Il apparaît en fait que les autorités syrienne appliqueront cette mesure uniquement aux entreprises autorisées à travailler en Syrie dans le domaine de la reconstruction.
Selon le secrétaire général du Haut-Conseil libano-syrien, Nasri Khoury, les facilités accordées aux Libanais pour le transport de personnes, de voitures et des camions sont d’un niveau supérieur à celui accordé aux Syriens et aux Jordaniens.
Selon le président de l’Association des agriculteurs libanais, Antoine Hwaik, les agriculteurs espèrent ainsi augmenter les quantités exportées de 350 000 tonnes à 500 000 tonnes. Cette décision quelque peu surprenante apparaît comme une solution pour certains produits agricoles tels que les agrumes, qui ont été les plus touchés par la fermeture, mais cela va aussi augmenter les prix de certains autres produits de saison sur le marché intérieur, celui-ci n’étant pas prêt à voir une partie de ses produits sortir du pays, tels que les légumes et les pommes de terre. « Il y aura une demande supplémentaire d’environ 200 000 tonnes de produits cultivés, ce qui aura pour effet d’entraîner une augmentation de la demande sur le marché, induisant une hausse des prix en fonction des capacités de saison, de celles des agriculteurs ainsi que de la facilité d’exportation par voie terrestre ».
Les exportations libanaises risquent également de pâtir de la décision jordanienne d’ouvrir le point de passage uniquement de 8 heures à 16 heures, ce qui aurait pour effet de surcharger les temps d’attente à la frontière et de retarder l’arrivée des marchandises.
Exportations libanaises vers les pays du Golfe, la Jordanie et l’Irak (2017)
Les autorités syriennes ont augmenté le coût des taxes de transit sur leur territoire il y a environ un mois, ce qui signifie que le faible coût pour les exportateurs libanais ne correspondrait pas à leurs attentes. Les autorités syriennes ont augmenté les redevances en fonction de la hausse des prix, principalement en raison de la crise qu’elle a subie depuis 2011 jusqu’à présent. Cependant, Mohammed Choukair, président de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Beyrouth et du Mont-Liban, estime que la décision syrienne est « bonne pour le Liban, qui a subi un coût élevé en raison de la crise syrienne ». Toute modification des taxes devra cependant se faire dans le cadre des accords entre les deux pays et aucunement de façon arbitraire.
En tout état de cause, le faible coût des exportations et la rapidité avec laquelle les marchandises exportées sont livrées à destination des pays du Golfe renforce la compétitivité des marchandises libanaises par rapport à d’autres pays comme la Turquie et l’Egypte qui avaient tiré profit des capacités d’exportation libanaises réduites liées à la fermeture du poste frontalier.
Il est intéressant de noter qu’il s’agit là d’une décision unilatérale côté syrien, et ce, bien que les Libanais penchaient vers deux options pour traiter d’une possible réouverture du point de passage lorsque celle-ci a été évoquée . Certains étaient partisans d’une prise de contact avec les autorités syriennes afin d’ouvrir le passage aux marchandises libanaises, quand d’autres appelaient à s’abstenir volontairement de tout contact avec les autorités syriennes, sur fond à connotation politique, en dépit de la vitalité de ce point de passage pour la circulation des marchandises et des personnes du Liban et de la Syrie vers la Jordanie, l’Irak et les États du Golfe, et vice-versa.
Cet article a été traduit et édité par Syria Intelligence (al-akhbar, le 16 Octobre 2018)